Chapitre 3
Chapitre 3:
Lorsque
Kazuha aperçut la silhouette de son ami d’enfance pénétrer dans la
salle de réunion, elle plaqua sa main contre sa bouche afin de retenir
un cri de surprise. Certes, Otaki lui avait assuré que quelqu’un
qu’elle connaissait bien viendrait résoudre cette enquête, et il
fallait aussi avouer qu’elle avait beaucoup espéré que cette personne
soit Heiji, mais le voir apparaître si soudainement après tant d’année
de séparation la mettait tout de même dans tous ses états. Elle essaya
de calmer sa joie et son trouble à la vue de son ami, et s’autorisa à
repenser à leur séparation...
Dix ans auparavant, par une
douce matinée de printemps, Kazuha avait pénétré dans la chambre
d’Heiji, essayant au maximum de retenir ses larmes et d’empêcher son
cœur d’exploser. L’adolescent était attablé à son bureau, une feuille
sous les yeux, les mains sur les tempes et les sourcils froncés. Il
n’avait pas entendu son amie entrer, et elle était d’ailleurs restée
quelques instants, immobile à l’observer. Il n’avait toujours pas
remarqué sa présence, toujours penché sur son petit bout de papier.
Heiji, avait-t-elle murmuré.
Il avait retourné la tête dans sa direction.
-Depuis quand tu es là ?
_ Quelques secondes… Heiji… j’ai quelque chose à te dire…
Ses
joues s’étaient empourprées, et elle avait posé son regard en
direction du sol, n’arrivant pas à le regarder droit dans les yeux. Lui
était resté dubitatif devant l’attitude de son amie.
- Euh ok. Mais attend quelques minutes s’il te plait.
Kazuha
avait relevé les yeux vers son ami, sous la stupeur et
l’incompréhension. D’un pas lourd elle s’était approchée du bureau et
avait regardé la fameuse feuille qui retenait toute l’attention du
détective, par-dessus son épaule. Elle avait écarquillé les yeux quand
elle vit un tableau de neuf cases sur la feuille, constitué de chiffres
et de lettres, avec des notes gribouillées au crayon à papier dans les
coins. Une main sur la hanche, elle avait arraché le papier des mains
d’Heiji pour le cacher derrière son dos. Le détective s’était levé d’un
bond, plongeant un regard dur et sévère dans celui de Kazuha, tout
aussi noir que le sien. Il avait essayé tant bien que mal d’attraper le
bout de papier, mais l’adolescente avait esquivé son ami tant bien que
mal. Exaspéré, le garçon avait froncé les sourcils et s’était adressé à
son amie d’enfance d’une voix posé, mais cachant mal l’énervement qui
l’avait gagné.
- Kazuha, rends moi cette feuille.
- Je ne te la rendrais qu’après que tu ne m’ais écouté, avait elle répondu d’une voix ferme.
-Arrête,
ce n’est pas drôle, idiote ! Je dois avoir résolu cette enquête avant
demain. Je peux bien t’écouter après non ? Ça ne doit pas être si
important de toute manière…
La lycéenne se sentit alors
vaguement vaciller. Son cœur battait alors de plus en plus vite, de
tristesse et de rage cette fois. Alors qu’elle s’était décidée à tout
lui dire, tout ce qu’elle ressentait depuis tant d’années, mettant de
côté son orgueil et sa honte, il lui parlait d’énigme ? Elle lui avait
jeté sa feuille à la figure, rouge de colère, des larmes dégoulinant
abondamment sur ses joues. Heiji avait écarquillé les yeux devant
l’expression de son amie. Il ne lui avait jamais vu une telle
expression, mêlant fureur, tristesse et…déception ? Il s’était trouvé
décontenancé, ne sachant pas ce qu’il devait dire ou faire pour calmer
la jeune fille. Elle ne lui avait pas laissé le temps de réfléchir
d’ailleurs, le noyant sous un flot de reproche.
- Alors comme
ça je suis moins importante que tes stupides enquêtes ?! Tes énigmes
passent avant moi, que tu connais depuis dix ans ? Je savais que tu
étais un otaku des enquêtes, mais pas à ce point… A chaque fois c’est
pareil !! C’est les énigmes d’abord, et moi ensuite !
- Kazuha… Qu’est-ce que…
-
Non, laisse-moi finir. Et moi qui avais quelque chose d’important à te
dire, et bien tant pis ! Je suis déçue Heiji… Je te pensais moins
obsédé et plus humain… Résous cette stupide énigme, et oublis moi,
puisque je ne suis pas si importante que ça ! Idiot, idiot, idiot !!
Et
sans lui laisser le temps de répliquer, elle quitta la pièce, laissant
un Heiji stupéfait. Il avait essayé de la retenir, mais elle lui avait
claqué la porte au nez, manquant de lui écraser les doigts. Il avait
couru dans la maison, essayant de la rattraper, glissant sur le
plancher au passage, mais elle avait quitté la demeure des Hattori
avant qu’il n’ait pu lui dire quoi que ce soit. Pensant que c’était
qu’une petite dispute de passage, il avait arrêté de l’appeler toutes
les dix secondes, tombant tout le temps sur sa messagerie. Et comme ils
étaient en vacances d’été, ils ne se virent pas du tout suite à cette
dispute. Pourtant, un matin, alors qu’il était avec son fameux client,
celui au message secret, il reçut un appel de sa mère…
- Heiji ! Que fais-tu ?! Les Toyama vont bientôt partir !
- Quoi ? Mais de quoi tu me parles ?
- Kazuha-chan ne te l’a pas dit ? Pourtant quand je l’ai vu sortir en pleurant l’autre soir je pensais que…
-Me dire quoi maman ? coupa-t-il en levant la voix.
- Et bien les Toyama déménage dans quelques minutes dans le sud… Tu… Heiji ? Heiji ?!
Lorsqu’il
avait entendu les mots « Toyama » et « déménage », il avait raccroché
et quitta son client en trombe. Il avait pianoté nerveusement le numéro
de son amie sur son portable, mais il était constamment tombé sur la
messagerie.
- Merde… Merde…MERDE !!! avait-il hurlé.
Il
avait couru le plus vite possible pour rejoindre la maison de son amie
d'enfance, afin de pouvoir lui parler et s'expliquer avec elle avant
son départ. Trop tard malheureusement, ils étaient déjà partis sans que
le garçon n’ait pu parler à Kazuha.
Puis les années s’étaient
succédées. Kazuha avait bien voulu garder sa rancœur et sa colère de
côté pour reprendre le contact avec son ami d’enfance, mais son père le
lui avait interdit. Ils avaient déménagés pour permettre à son père de
retrouver un dangereux mafieux et sa bande, allant jusqu’à prendre des
noms d’emprunts, protégés par la police locale. Mr Toyama ne voulait
pas que sa fille contacte Heiji car connaissant ce dernier, il se
serait lancé à corps perdu dans cette enquête, mettant jusqu’à sa vie
et celle de sa fille en danger. Alors qu’elle était sortie de
l’université et qu’elle était rentrée à Osaka, son premier désir était
de retrouver Heiji. Elle n’eut pas de grand mal à le retrouver, il
était connu dans toute la ville. Mais lorsqu’elle c’était apprêté à
frapper devant la porte du bureau du détective, une femme en était
sortie au même moment. Kazuha s’était trouvée troublée devant une telle
apparition, persuadée que son ami était toujours célibataire. Mais
cette femme la regardait avec une telle surprise que Kazuha ne s’était
pas attardée, et c’était aussitôt enfui en courant. Voyant que sa fille
n’oubliait toujours pas son ami d’enfance, ne souhaitant pas le revoir
pour ne pas troubler son ménage disait-elle, il lui avait présenté le
fils d’un vieil ami de leur famille, qu’elle accepta d’épouser pour
oublier son cher détective… Chose qui n'était plus possible, après
l'apparition de ce dernier.
Maintenant qu’elle repensait à
tout ça, elle se trouvait vraiment idiote de n’avoir pas pu frapper à
la porte du bureau malgré la présence de cette femme, de n’avoir pas pu
attendre patiemment qu’Heiji ait fini de résoudre son enquête pour lui
avouer le flot de sentiment qui l’habitait. Tout avait été de sa faute
à elle, elle qui avait choisi la fuite plutôt que l’affrontement entre
son ami d’enfance et elle. Elle s’en était terriblement voulue,
lorsqu’elle avait déposé l’invitation à son mariage dans la boîte aux
lettres d’Heiji. Mais maintenant qu’elle l’avait devant les yeux… La
même rivière de sentiment qui l’avait submerger lorsqu’elle s’était
décidée de lui avouer ses sentiments dix ans plus tôt, la noyait. Elle
l’observait, et ceci lui faisait sentir le rouge lui monter aux joues,
pour une raison qu’elle ignorait elle-même. Il avait changé. Son teint
était toujours aussi halé, ses cheveux toujours d’un noir corbeau, et
son regard toujours aussi vif… Mais il avait désormais une démarche et
une allure qu’elle ne lui connaissait pas, il donnait un air plus
adulte, plus homme. Lui, la regardait intensément, la forçant du regard
à plonger ses yeux dans les siens. Elle détourna la tête, pour examiner
ses pieds. Elle était partagée par plusieurs sentiments. Tout d’abord,
la joie de ses retrouvailles, l’envie de courir vers lui et de se
chamailler encore avec lui comme lorsqu’ils étaient lycéens. Ensuite,
la peur et le doute, qu’avaient provoqué ses années d’absences, et
cette femme qui l’avait accueillit quelques années plus tôt au bureau
d’Heiji... Elle secoua la tête, essayant de sortir toutes ses pensées
de sa tête. Pourtant elle ne pouvait empêcher son cœur de battre à cent
à l’heure.
Heiji ne portait son attention sur personne d’autre
que Kazuha. Ses mains devinrent moites, et il ne savait pas comment
réagir à sa vue. Il l’observait sous toutes ses coutures. Son teint
pâle, qui n’avait pas bronzé aux fils des années, ses yeux verts, de ce
vert émeraude si envoûtant et profond. Il jurerait qu’elle avait
grandit, pas énormément, mais assez pour qu’il le remarque. Ses cheveux
avaient poussés, et dansaient sur ses épaules, détachés. Elle avait
embelli durant ses dix années, ce qui avait déconcerté le détective
d’Osaka en entrant. Il avait bien remarqué qu’elle était gênée, ça se
voyait comme le nez au milieu de la figure. S’en voulait-elle pour ses
dix années sans nouvelles, autant que lui s’en voulait pour ces
quelques minutes où il avait refusé de l’écouter ? Ou alors
était-ce…autre chose ? Il ne savait le dire. Il regrettait encore de ne
pas l’avoir écouté lorsqu’elle avait à lui dire cette chose «
importante ». Heiji pensait tout de même qu’elle aurait pu lui donner
des nouvelles, ou au moins lui communiquer son adresse. Mais le
déménagement des Toyama était un sujet qui avait mis longtemps Heiji et
son père Heizo en conflit, ce dernier ne voulant rien dire à son fils,
pour le protéger. Sachant qu’il ne pouvait compter sur son père, il
avait entrepris des recherches mais le nom « Toyama » ne figurait sur
aucun registre des grandes villes du sud, ou alors ce n’était pas ces
Toyama que le garçon recherchait. Il c’était alors résigné en essayant
d’oublier son premier amour disparut dans la nature, à contrecœur. Mais
toutes les petites amies qu’il avait pu avoir le quittaient rapidement,
lui reprochant cette absence et cette habitude à penser à une autre
qu’elles. Mais maintenant, cette autre, celle qui occupait ces pensées
était en face de lui…Au bras d’un autre…
Lorsque le
détective était entré, toute l’assemblée c’était tue, attendant une
parole de la part du commissaire, ou du détective. Otaki énonçait une
nouvelle fois les faits, présentant par la même occasion Heiji aux cinq
personnes présentes. Mais les deux amis d’enfances ne l’écoutaient pas.
Ils restaient tout deux sans voix, à s’observer mutuellement sans
prononcer un mot. Rei, remarquant l’attitude étrange de sa fiancée,
posa sa main sur son épaule, la faisant sortir de ses pensées. Il lui
murmura quelque chose à l’oreille qu’il ne réussit pas à entendre, et à
ces mots Kazuha se mit à sourire. Son fiancé descendit ses mains plus
bas, caressant le dos de son amoureuse d’une main tendre mais assurée.
Elle, ne savait plus ou se mettre, entre Rei qui se montrait un peu
trop intime dans une telle situation, et l’apparition d’Heiji. Lui,
d’ailleurs, fronça les sourcils, et serra sa main contre son jean. Il
n’appréciait pas vraiment les manières de ce Rei, mais il ne pouvait
pas intervenir et montrer son mécontentement, contrairement à d’autres
fois dans le passé. Tout ce qu’il se contenta de faire, c’était de se
retourner vers Otaki, et il commença à poser quelques questions aux
suspects.
- Donc récapitulons…commença-t-il, Mr Kamishi, que faisiez-vous au moment du meurtre ?
-
Eh bien j’étais parti dans ma salle de cours, afin de chercher des
cours que j’avais oublié la veille. Malheureusement, personne ne peut
le prouver, j’étais seul.
-Bien, et vous Mr Tonichiwa ?
-J’étais dans la salle de réunion avec Mr. Nayasu. Nous attendions nos collègues et nous discutions, notamment de son mariage.
A
ses mots, Heiji se renferma quelques secondes, mais Otaki avait tout de
même deviné son trouble, et regarda son ami avec un élan de compassion
dans le regard.
- Mme Imari ?
- J’étais aux toilettes à ce moment là, et vous pouvez vous douter que personne ne peut témoigner.
- Hum… Et toi Kazuha ?
Cette
dernière sursauta légèrement à l’annonce de son nom, surtout qu’elle ne
s’attendait pas à ce qu’il l’appelle par son prénom, marquant une
certaine distance entre elle et ses collègues. Au même moment, Rei la
serra légèrement contre-elle. Il avait compris que ce détective
entretenait des liens étroits avec sa fiancée, et bien qu’elle lui ait
beaucoup parlé de son ami d’enfance, il trouvait leur trouble mutuel
plus que suspect. Le professeur souhaitait bien montré à ce détective
prétentieux que c’était lui son fiancé, et qu’il n’avait pas à marcher
sur ses plates-bandes. Kazuha échangea un regard avec Otaki avant de
répondre.
- Je prenais l’air dehors, dans la cour. Et comme Kamishi et Imari, personne ne peut prouver ceci, murmura-t-elle.
Heiji
pesta intérieurement. Il avait espéré jusqu’au bout que Kazuha ait un
alibi, que quelqu’un pouvait prouvait qu’elle n’était pas coupable.
Mais malheureusement non. Il devait prouver son innocence, et vu
comment avait démarré l’enquête, ça n’allait pas être évident. Mais à
ce moment là, Akane Imari écarquilla les yeux en direction de Kazuha et
s’écria :
- Mais au faites Kazuha… En arrivant tu es bien entré dans le bureau de Mr Sagashita !
A suivre...